La famille AUGIER

La famille Augier est une famille juive d’origine polonaise. Elle habite au n°16 de la cour de Neuville, après être arrivée en France en 1932. Comme d’autres familles juives de Vire, elle sera victime des persécutions antisémites. Voici les différents membres de cette famille.

Nuta tout d’abord, qui est le père. Né le 15 novembre 1899 à Krasnik, il est polonais. Il participe à la guerre 14-18 (où il sera amputé d’une jambe), mais du côté allemand. Il arrive en France, et plus précisément à Neuville, avec le reste de sa famille, en 1932. Là, il devient marchand forain (1). Sans doute en raison d’une affection cardio-vasculaire, il échappe à l’arrestation de juillet 42 (2). Alors qu’il est presque mourant, il est arrêté le 22 octobre 1943 à la cour de Neuville (en même temps que la famille Kaminsky). Il se retrouve à la prison de Caen, à la Maladrerie, mais sera relâché grâce à Salomon Kaminsky qui parle parfaitement l’Allemand et qui convainc les autorités de le libérer. Après la guerre, il migre au Canada (3), probablement avec ses deux dernières filles : Rose et Sylviane. Sa mémoire est en partie faussée car dans la base numérique du Mémorial de la Shoah (au centre des archives), Nuta Augier aurait été fusillé par les nazis.

Rywka, la mère, est née en Pologne, le 15 février 1899 à Piaski. Arrivée en France comme son mari, elle se fait recenser en 1936 sous le nom de Marie. Elle est arrêtée le 14 juillet 1942 (en même temps que son fils, Raphaël et qu’une autre femme, Rivka Goldnadel). Elle est transférée au camp de Pithiviers qu’elle quittera le 31 juillet 42. Elle est déportée à Auschwitz en même temps que les 1048 personnes qui composent le convoi n°13 (4). Au lendemain de la guerre, elle sera considérée comme « déporté politique » (5), avec pour nom « Mme Anger ».

Raphaël est le fils aîné de la famille Augier. Il est né comme ses parents en Pologne, à Lublin le 9 janvier 1927. Il est arrêté le même jour que sa mère alors qu’il n’a que 15 ans, et suivra le même parcours (camp de Pithiviers et convoi n° 13). Il est considéré comme « déporté politique » dans la liste des Neuvillais morts pour la France. Comme sa mère, son souvenir est faussé car son nom, Augier est devenu « Anger ».

Dora Augier est la fille aînée de la famille. Elle naît comme son frère à Lublin, le 8 octobre 1929, en Pologne. Elle est arrêtée en même temps que son père, le 22 octobre 1943 (6) à 14 ans, dans la cour de Neuville. Elle est détenue à la prison de Caen puis transférée à Drancy, où elle déposera l’argent dont elle dispose (1000 francs) à l’administration du camp (7). A Drancy, Salomon Kaminsky tente de la faire passer pour sa fille adoptive… en vain. Son départ vers Auschwitz depuis Drancy est prévu le 20 novembre 1943, ce qui provoque la détresse des Kaminsky et en particulier d’Adolfo très proche de Dora. Elle est déportée par le convoi n° 62 (8). Elle trouve probablement la mort à Birkenau dès son arrivée, car 914 personnes du convoi sont directement gazées. Comme son frère et sa mère, elle est considérée comme « déporté politique », son nom devient Anger (9) et son prénom devient « Nora » au lieu de Dora (10).

Enfin Rose et Sylviane, les deux dernières filles de la famille Augier. La première est née le 21 novembre 1934 à Neuville, au même endroit que la seconde, le 20 octobre 1937. Nées en France, elles acquièrent donc la nationalité française. Leurs deux prénoms figurent dans une liste d’otages juifs établie par les autorités allemandes le 28 août 1942 (11). Toutes deux échappent aux arrestations qu’a connues le reste de la famille : d’après A. Kaminsky, elles auraient été cachées par la famille Bayle ; d’après Mme Vandaele, par la famille Passaquit, de Neuville. On ne sait rien des circonstances de ce sauvetage. Elles ont probablement accompagné leur père Nuta au Canada après la guerre.

Baptiste Ménard

Notes:

  1. Dans la liste nominative de 1936 et dans L’Almanach du Bocage de 1939, il apparaît comme tel.
  2. Nuta souffre d’une affection cardio-vasculaire grave d’après un certificat médical transmis aux autorités préfectorales. Dans une correspondance du sous-préfet datée du 20 février 1943 adressée au préfet, il est déclaré « dans l’impossibilité absolue d’effectuer tout déplacement ». C’est à cette date que sa maladie est reconnue « officiellement ».
  3. D’après A. Kaminsky, M. Pignot et Mme Vandaele, dont les parents étaient voisins des Augier.
  4. En 1945, on compte seulement 13 survivants dont une femme sur les 1049 déportés de ce convoi.
  5. Elle est désignée comme tel dans la liste des Neuvillais « morts pour la France » (AM Db 268 «Guerre 39-45. Imprimés divers»).
  6. Et non le 23 octobre 1942 comme indiqué dans Vire se souvient
  7. Source : CIDJ CF16_06.
  8. Ce convoi est parti le 20 novembre 1943, avec 1200 déportés. A l’arrivée seul 241 hommes et 45 femmes sont sélectionnés pour travailler dans les camps du complexe d’Auschwitz-Birkenau. En 1945, on compte 29 survivants dont 2 femmes.
  9. Dans la liste des Neuvillais morts pour la France (AM Db 268 «Guerre 39-45. Imprimés divers»).
  10. Dans Vire se souvient…
  11. Source : CIDJ LXXV-190.