Il était une fois de la vermine…

A l’occasion d’un oral de TPE (travaux personnels encadrés) consacré à l’histoire de la propagande antisémite sous le Troisième Reich, Océane et Valentin ont imaginé cet échange surréaliste entre une victime des persécutions contre les Juifs d’Europe (ou son fantôme ?) et un lycéen… Entre présent et passé, enjeux contemporains et traumatisme personnel, fiction et références historiques… ce dialogue iconoclaste et risqué pose habilement une question clé : comment aborder l’histoire de la Shoah à la fois dans sa globalité et dans sa dimension individuelle ?

 

-       Il était une fois, des gens comme vous et moi qui étaient « de la vermine »…

-       Woh woh woh ! Qu’est-ce que tu me fais là ?

-       Il était une fois de la vermine. Avec un gros nez. Comme ça ! Ils étaient partout !   

-       Qui ça ?

-       Bah les Juifs !

-       Non non non non non ! Les nazis étaient partout en Allemagne, mais les Juifs…

-       STOP ! Les – na – zis – n’é – taient – pas – tous – alle – mands – et – in – ver – se – ment.

-       Oui, enfin ça, tout le monde le sait.

-       Pourtant ce n’est pas ce que tu as mis dans ta copie…

-       Comment tu le sais ?

-       Parce que j’ai des yeux partout.

-       Parce que tu es juive…

-       Non-non-non, je ne suis pas…

-       Mais regarde-moi ce gros nez !

-       Je n’ai pas les oreilles décollées.

-       Et puis ce rictus !

-       Je ne suis pas riche…

-       Mais tu portes l’étoile de David, l’étoile juive !

-       Oui, enfin ça, ce sont ces Allemands…

-       Nazis !

-       S.S. qui me l’ont imposée.

-       Regarde-moi ça, pourquoi ce tatouage d’un – il faut le dire – si mauvais goût ?

-       Ah ça, noooon… Juste qu’on m’a prise pour une vache ou un mouton…

-       Ah bah oui : tu es toute tondue. Les gens doivent avoir chaud avec ta laine.

-       Cheveux !

-       Oui, mais, d’après certains, tu étais une vraie machine à sous. Ils ont touché le jackpot avec toi ! Bijoux, vêtements, appartements…

-       Woh woh woh… Tu es en train de me dire que même toi dans ta campagne, tu as entendu parler de moi ?

-       Ou des autres, je ne sais pas – le choix est grand. Six millions…

-       D’… Q’… M… Argh !

-       « L’essor de l’industrie et de l’économie allemande ».

-       Tu… veux… hein ?

-       Le trésor nazi, le quotidien confortable et tout et tout…

-       Euuh… attends attends attends… Tu ne vas pas me dire que tu en sais plus que moi sur ma famille ?

-       Beeeeen si.

-       Je me sens chèvre.

-       Avec le génocide de toute ta « famille » comme tu dis, les nazis ont récupéré tes biens matériels : bijoux, lunettes, chaussures, dents en or… Mais aussi ton passé, ton vécu, ton existence… Tout ça, pour eux !

-       Ah mais non non non monsieur.

-       Ah mais si si si madame : les spoliations de biens…

-       Ha ha.

-       Tu vois : on s’informe.

-       Et tu apprends ça… ?

-       Tout à fait : commémorations, école, expositions, chansons… Tout tout tout tout tout…

-       Chansons ? Il y a des chansons qui parlent de nous ? Et de… de l’horreur des… des camps ?

-       Nuit et brouillard de Jean Ferrat… ou le poème de Primo Levi, Si c’est un homme

-       Alors je ferais bien d’aller voir ce qui se passe dans ton lycée…

(lecture d’extraits)

 

Océane ARSÈNE et Valentin MARIE